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Selon un Arrêt de cassation partielle de la Chambre criminelle de la Cour de cassation rendu le 17/03/2015, en l’espèce, le prévenu a été reconnu coupable d’apologie de crime ou délit par parole, écrit, image, ou moyen de communication au public par voie électronique. Cependant, le délit d’apologie de crime ne pouvait occasionner, pour la commune, préjudice personnel et direct né de l’infraction.
Arrêt de la Cour de cassation, Chambre criminelle, rendu le 17/03/2015, cassation partielle (13-87358)
Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, 23, alinéa 1er, et 25, alinéa 5, de la loi du 29 juillet 1881, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
“en ce que la cour d’appel a déclaré M. X… coupable d’apologie de crime ou délit par parole, écrit, image ou moyen de communication au public par voie électronique ;
“aux motifs que, pour relaxer les deux prévenus des fins de la poursuite, le tribunal a considéré que l’association des trois mentions portées sur le vêtement ne suffisaient pas à déterminer une intention sans équivoque de procéder à l’apologie de crimes d’atteintes volontaires à la vie, chaque mention pouvant donner lieu à plusieurs interprétations ; que M. X… n’avait fait qu’offrir dans un contexte familial le tee-shirt litigieux, ce qui ne pouvait s’analyser comme un acte univoque tendant à justifier les crimes d’atteintes volontaires à la vie ; que M. X… avait certes fait porter le tee-shirt par son fils, mais que ce port avait été limité dans le temps et dans l’espace ; que seules deux personnes avaient pu voir le vêtement ; qu’il n’y avait pas là de volonté caractérisée de promouvoir les crimes d’atteintes volontaires à la vie ; que la cour ne saurait retenir cette analyse, pas plus que celle développée dans les conclusions des deux prévenus ; que le délit d’apologie de crimes d’atteintes volontaires à la vie visé par l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 exige que lesdits actes criminels apparaissent comme susceptibles d’être justifiés ou que les personnes soient incitées à porter sur eux un jugement favorable, l’apologie de leur auteur s’assimilant à celle de leurs crimes eux-mêmes ; qu’il s’agit d’une provocation indirecte ou insidieuse qui doit être manifestée par l’un des moyens de publicité prévu à l’article 23 de la loi du 29 juillet 1881, tel que des écrits, imprimés, dessins… ou tout autre support de l’écrit, de la parole ou de l’image ; qu’en l’espèce, tel est bien le cas, s’agissant de l’exhibition du tee-shirt supportant les mentions litigieuses dans une école, lieu public par destination ; que les mentions inscrites sur le tee-shirt, à savoir sur la poitrine : » je suis une bombe « , et dans le dos : Y…, né le 11 septembre, ne sauraient être dissociées, apparaissant sur un même et unique support, soit les deux faces du vêtement ; que l’association des termes bombe, Y… et 11 septembre, renvoie immanquablement à l’événement tragique du 11 septembre 2001 qui a coûté la vie à des milliers de personnes ; qu’aucune personne de culture occidentale ou orientale ne peut se tromper sur la symbolique attachée à cet attentat, acte fondateur du mouvement Y…iste ; qu’ainsi, certains attributs de l’enfant (son prénom, jour et mois de naissance) et l’usage du terme bombe, dont on ne peut raisonnablement prétendre qu’il renvoie à la beauté du garçonnet, sont magnifiés à travers la tournure de phrase, l’emploi de la première personne du singulier et du verbe être, et servent en réalité de prétexte pour valoriser, sans aucune équivoque, et à travers l’association délibérée des termes renvoyant à la violence de masse, des atteintes volontaires à la vie ; que l’absence de mention, sur le tee-shirt, de l’année de naissance de l’enfant, constitue un élément fondamental de la caractérisation du délit ; que, par ailleurs, le délit d’apologie est caractérisé lorsque le recul du temps sur l’événement dont tout un chacun a pris la mesure, prive la démarche de toute spontanéité ; que tel est bien le cas en l’espèce, compte tenu du temps écoulé depuis l’événement du 11 septembre ; que les inscriptions litigieuses ne traduisent pas une réaction spontanée des deux prévenus mais bien plutôt une action mûrement réfléchie et préméditée ; qu’en effet M. X…, oncle du petit Y, a reconnu avoir commandé le tee-shirt, avoir lui-même choisi et fait floquer les inscriptions litigieuses, l’avoir offert à son neveu et avoir demandé à sa mère de le faire porter à son fils pour aller à l’école ; que les deux prévenus ont admis avoir eu une discussion avant de prendre cette décision conjointe, ce qui atteste de la parfaite conscience qu’ils avaient du caractère choquant des mentions ; qu’ils ont, devant la cour, déclaré avoir voulu faire une plaisanterie ; que cependant, la mort d’autrui ne saurait être sujet de plaisanterie, d’autant plus qu’en l’état il s’agit d’une référence évidente à un meurtre de masse qui a provoqué la mort de près de trois mille personnes ; que l’achat d’un tee-shirt dans une boutique, le contenu des mentions qui y ont été volontairement inscrites, la parfaite conscience de faire volontairement porter ce vêtement par un enfant de trois ans dans un lieu public et qui, de plus, est une enceinte scolaire, lieu de transmission du savoir et des valeurs républicaines, traduisent à l’évidence l’intention délibérée des prévenus de valoriser des actes criminels d’atteintes volontaires à la vie, de présenter favorablement un procédé de violence perpétré à l’encontre de milliers de civils, procédé valorisé encore par la référence à une naissance qui sonne comme un exploit eu égard au jour et au mois auxquels elle renvoie ; qu’en l’état, M. et Mme X… ont largement dépassé les limites de tolérance admise par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme en matière de liberté d’expression en utilisant sciemment un enfant de trois ans, symbole de l’innocence, pour créer une confusion dans l’esprit des lecteurs des inscriptions portées sur le tee-shirt et les amener à porter un jugement bienveillant sur des actes odieux et criminels, démontrant la volonté des prévenus de les valoriser ; qu’en conséquence, il se déduit de l’ensemble des éléments susvisés que les faits reprochés aux deux prévenus sont parfaitement constitués, que le jugement de relaxe sera réformé et les deux prévenus déclarés coupables des faits d’apologie de crimes d’atteintes volontaires a la vie ;
“alors que la liberté d’expression, qui protège notamment les idées qui heurtent, choquent ou inquiètent, ne peut être soumise à des ingérences que dans les cas où celles-ci constituent des mesures nécessaires au regard du paragraphe 2 de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme ; qu’au sens de ce texte, la nécessité s’entend d’un besoin social impérieux, seul cas permettant de restreindre la liberté d’expression, la mesure de restriction devant rester proportionnée au but légitime et répondre à des motifs pertinents et suffisants ; qu’en condamnant le demandeur du chef d’apologie de crimes d’atteinte volontaires à la vie pour le seul fait d’avoir offert à un enfant un tee-shirt, porté une seule après-midi dans une classe maternelle, et marqué des mentions « je suis une bombe », « Y…, né le 11 septembre », que seules deux personnes ont pu voir en rhabillant l’enfant, la cour d’appel, qui a porté une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression ne répondant pas à un besoin social impérieux, a violé l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme” ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 23, alinéa 1er, et 25, alinéa 5, de la loi du 29 juillet 1881, 121-2 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
“en ce que la cour d’appel a déclaré M. X… coupable d’apologie de crime ou délit par parole, écrit, image ou moyen de communication au public par voie électronique ;
“aux motifs que, pour relaxer les deux prévenus des fins de la poursuite, le tribunal a considéré que l’association des trois mentions portées sur le vêtement ne suffisaient pas à déterminer une intention sans équivoque de procéder à l’apologie de crimes d’atteintes volontaires à la vie, chaque mention pouvant donner lieu à plusieurs interprétations ; que M. X… n’avait fait qu’offrir dans un contexte familial le tee-shirt litigieux, ce qui ne pouvait s’analyser comme un acte univoque tendant à justifier les crimes d’atteintes volontaires à la vie ; que M. B. X… avait certes fait porter le tee-shirt par son fils, mais que ce port avait été limité dans le temps et dans l’espace ; que seules deux personnes avaient pu voir le vêtement ; qu’il n’y avait pas là de volonté caractérisée de promouvoir les crimes d’atteintes volontaires à la vie ; que la cour ne saurait retenir cette analyse, pas plus que celle développée dans les conclusions des deux prévenus ; que le délit d’apologie de crimes d’atteintes volontaires à la vie visé par l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 exige que les dits actes criminels apparaissent comme susceptibles d’être justifiés ou que les personnes soient incitées à porter sur eux un jugement favorable, l’apologie de leur auteur s’assimilant à celle de leurs crimes eux-mêmes ; qu’il s’agit d’une provocation indirecte ou insidieuse qui doit être manifestée par l’un des moyens de publicité prévu à l’article 23 de la loi du 29 juillet 1881, tel que des écrits, imprimés, dessins… ou tout autre support de l’écrit, de la parole ou de l’image ; qu’en l’espèce, tel est bien le cas, s’agissant de l’exhibition du tee-shirt supportant les mentions litigieuses dans une école, lieu public par destination ; que les mentions inscrites sur le tee-shirt, à savoir sur la poitrine : « je suis une bombe « , et dans le dos : « Y…, né le 11 septembre », ne sauraient être dissociées, apparaissant sur un même et unique support, soit les deux faces du vêtement ; que l’association des termes bombe, Y… et 11 septembre, renvoie immanquablement à l’événement tragique du 11 septembre 2001 qui a coûté la vie à des milliers de personnes ; qu’aucune personne de culture occidentale ou orientale ne peut se tromper sur la symbolique attachée à cet attentat, acte fondateur du mouvement Y…iste ; qu’ainsi, certains attributs de l’enfant ( son prénom, jour et mois de naissance ) et l’usage du terme « bombe », dont on ne peut raisonnablement prétendre qu’il renvoie à la beauté du garçonnet, sont magnifiés à travers la tournure de phrase, l’emploi de la première personne du singulier et du verbe être, et servent en réalité de prétexte pour valoriser, sans aucune équivoque, et à travers l’association délibérée des termes renvoyant à la violence de masse, des atteintes volontaires à la vie ; que l’absence de mention, sur le tee-shirt, de l’année de naissance de l’enfant, constitue un élément fondamental de la caractérisation du délit ; que, par ailleurs, que le délit d’apologie est caractérisé lorsque le recul du temps sur l’événement dont tout un chacun a pris la mesure, prive la démarche de toute spontanéité ; que, tel est bien le cas en l’espèce, compte tenu du temps écoulé depuis l’événement du 11 septembre ; que les inscriptions litigieuses ne traduisent pas une réaction spontanée des deux prévenus mais bien plutôt une action mûrement réfléchie et préméditée ; qu’en effet que M. X…, oncle du petit Y, a reconnu avoir commandé le tee-shirt, avoir lui-même choisi et fait fioquer les inscriptions litigieuses, l’avoir offert à son neveu et avoir demandé à sa mère de le faire porter à son fils pour aller à l’école ; que les deux prévenus ont admis avoir eu une discussion avant de prendre cette décision conjointe, ce qui atteste de la parfaite conscience qu’ils avaient du caractère choquant des mentions ; qu’ils ont, devant la cour, déclaré avoir voulu faire une plaisanterie ; que, cependant, la mort d’autrui ne saurait être sujet de plaisanterie, d’autant plus qu’en l’état il s’agit d’une référence évidente à un meurtre de masse qui a provoqué la mort de près de 3 000 personnes ; que l’achat d’un tee-shirt dans une boutique, le contenu des mentions qui y ont été volontairement inscrites, la parfaite conscience de faire volontairement porter ce vêtement par un enfant de trois ans dans un lieu public et qui, de plus, est une enceinte scolaire, lieu de transmission du savoir et des valeurs républicaines, traduisent à l’évidence l’intention délibérée des prévenus de valoriser des actes criminels d’atteintes volontaires à la vie, de présenter favorablement un procédé de violence perpétré à l’encontre de milliers de civils, procédé valorisé encore par la référence à une naissance qui sonne comme un exploit eu égard au jour et au mois auxquels elle renvoie ; qu’en l’état, M. et Mme Z. et B. X… ont largement dépassé les limites de tolérance admise par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme en matière de liberté d’expression en utilisant sciemment un enfant de trois ans, symbole de l’innocence, pour créer une confusion dans l’esprit des lecteurs des inscriptions portées sur le tee-shirt et les amener à porter un jugement bienveillant sur des actes odieux et criminels, démontrant la volonté des prévenus de les valoriser ; qu’en conséquence, il se déduit de l’ensemble des éléments susvisés que les faits reprochés aux deux prévenus sont parfaitement constitués, que le jugement de relaxe sera réformé et les deux prévenus déclarés coupables des faits d’apologie de crimes d’atteintes volontaires a la vie ;
“1 – alors que l’apologie de crimes d’atteintes volontaires à la vie suppose un acte de provocation, lequel implique une incitation à la commission d’une infraction ; qu’en déclarant le demandeur coupable de ce chef, lorsque les mentions litigieuses sur le tee-shirt « je suis une bombe », « Y…, né le 11 septembre », pour discutables qu’elles soient, ne constituent aucunement un acte de provocation incitant autrui à perpétrer un crime contre des personnes, la cour d’appel a violé l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 ;
“2 – alors que la provocation directe à un crime d’atteinte à la vie suppose de son auteur qu’il ait été animé de la volonté de créer un état d’esprit propre à susciter une telle atteinte ou qu’il ait été conscient de ce que le message tenu pouvait inciter quelqu’un à commettre une telle infraction ; qu’en jugeant que l’achat du tee-shirt, l’inscription des mentions litigieuses et le port de ce vêtement dans une école traduisent une volonté de « valoriser des actes criminels d’atteintes volontaires à la vie » et de « présenter favorablement un procédé de violence perpétré à l’encontre de milliers de civils, procédé valorisé encore par la référence à une naissance qui sonne comme un exploit eu égard au jour et au mois auxquels elle renvoie », la cour d’appel a de plus fort méconnu le sens et la portée de l’article 24 de la loi du 19 juillet 1881 ;
“3 – alors que la provocation directe à un crime d’atteinte à la vie n’est caractérisée que si elle fait l’objet d’une publicité ; qu’en déclarant le prévenu coupable de ce chef, lorsqu’il résulte des propres mentions de la décision que seules la directrice de l’école et une autre personne ont vu les mentions du tee-shirt lorsqu’elles rhabillaient l’enfant après son passage aux toilettes, ce dont il résulte que ce sous-vêtement n’était pas visible au public sans déshabiller l’enfant qui le portait, et qu’ainsi, aucune publicité n’est établie, la cour d’appel a encore méconnu le sens et la portée des textes visés au moyen” ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 25 septembre 2012, la directrice d’une école maternelle de […] (Vaucluse) a constaté, en rhabillant l’enfant Y… A…, né le 11 septembre […], qu’il portait un tee-shirt avec les inscriptions suivantes : “Y…, né le 11 septembre”, et : “Je suis une bombe” ; qu’ayant relevé, dans ces mentions, une référence aux attentats terroristes commis à New York le 11 septembre 2001, elle a signalé ces faits à l’inspection académique ; que, dans le même temps, le maire de la commune a saisi le procureur de la République ; qu’il a été établi lors de l’enquête ordonnée par ce magistrat que ce vêtement avait été offert à l’enfant par son oncle maternel, M. X…, à l’occasion de son anniversaire ; que M. X… et Mme X…, mère de l’enfant, ont été cités devant le tribunal correctionnel du chef d’apologie de crimes d’atteintes volontaires à la vie, au visa de l’article 24, alinéa 5, de la loi du 29 juillet 1881 ; que le tribunal les ayant relaxés, le ministère public et la ville de […], constituée partie civile, ont relevé appel du jugement ;
Attendu que, pour infirmer le jugement entrepris, l’arrêt retient, notamment, que les différentes mentions inscrites de part et d’autre du vêtement, ne peuvent être dissociées, s’agissant d’un unique support, et que l’association délibérée de ces termes, alors qu’aucune référence n’est faite à l’année de naissance de l’enfant, renvoie, pour toute personne qui en prend connaissance, au meurtre de masse commis le 11 septembre 2001 ; que les juges ajoutent, en ce qui concerne M. X…, que la commande qu’il avait passée des inscriptions devant figurer sur ce tee-shirt, son insistance auprès de la mère de l’enfant pour qu’elle en revête celui-ci lorsqu’elle l’enverrait à l’école, lieu public par destination, traduisent sa volonté, non de faire une plaisanterie, comme il le soutient, mais de présenter sous un jour favorable les crimes évoqués, auprès des personnes qui, dans l’enceinte de l’établissement scolaire, seraient amenées à voir ce vêtement ; qu’ils en concluent que les faits reprochés au prévenu, qui ont dépassé les limites admissibles de la liberté d’expression, au sens de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, en ce que M. X… a utilisé un très jeune enfant comme support d’un jugement bienveillant sur des actes criminels, caractérisent le délit d’apologie de crime visé par l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu qu’en l’état de ces énonciations, la cour d’appel, qui, analysant le contexte dans lequel les mentions incriminées ont été imprimées et rendues publiques, a exactement apprécié leur sens et leur portée, et qui a caractérisé en tous ses éléments le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable, a justifié sa décision ;
D’où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;
Mais sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 23, alinéa 1er, et 25, alinéa 5, de la loi du 29 juillet 1881, 2, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
“en ce que la cour d’appel a reçu la constitution de partie civile de la commune de […] et condamné M. X… à payer solidairement avec Mme X… la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
“aux motifs que contrairement à la teneur des conclusions déposées par Mme X…, si la loi du 29 juillet 1881 a entendu limiter le nombre d’associations habilitées a se constituer partie civile, elle n’exclut nullement la possibilité pour une personne physique ou morale de se constituer partie civile dès lors qu’elle a directement et personnellement souffert du dommage découlant directement de l’infraction poursuivie, conformément aux articles 2 et 3 du code de procédure pénale ; qu’en l’espèce, l’école maternelle de […], lieu de commission des faits, dépend de la commune de […] qui a en charge l’intégration et l’inscription des enfants au sein de son école maternelle ; qu’elle doit également veiller au respect des principes de neutralité et de laïcité qui régissent les écoles publiques ; qu’en l’état, sa constitution de partie civile est parfaitement recevable compte tenu de l’atteinte portée à ces principes par l’infraction dont les prévenus ont été déclarés coupables ; que le préjudice allégué par la commune est réel, s’agissant du trouble occasionné par les prévenus au fonctionnement de l’école maternelle et du choc causé au personnel tant de l’école que de l’administration municipale ; que la cour déclarera les prévenus responsables des conséquences dommageables découlant directement de l’infraction dont ils ont été déclarés coupables et faisant droit à la demande de la commune, condamnera solidairement les prévenus lui verser la somme de 1 000 euros a titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel et moral subi, ainsi que la somme de 1 000 euros au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale ;
“alors que l’action civile n’étant ouverte qu’à ceux qui ont directement et personnellement souffert d’une infraction, les juges ne peuvent accorder la réparation du préjudice que s’il constitue la conséquence directe des agissements entrant dans la définition même de l’infraction ; qu’en condamnant M. X… à payer à la commune de […], dont dépend l’école maternelle, la somme de 1 000 euros en réparation du préjudice subi, aux motifs inopérants que l’école doit veiller au respect des principes de neutralité et de laïcité auxquels les faits auraient porté atteinte, troublé le personnel municipal et le fonctionnement de l’école, lorsque ces préjudices ne relèvent pas de l’intérêt social protégé par l’infraction, qui vise uniquement à empêcher la réalisation des crimes que l’auteur tente de provoquer, la cour d’appel a méconnu le sens et la portée de l’article 2 du code de procédure pénale” ;
Vu l’article 2 du code de procédure pénale ;
Attendu que l’action civile en réparation du dommage causé par un crime ou un délit appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction ;
Attendu que, pour dire recevable la constitution de partie civile de la commune de […] et condamner M. X… à lui verser des dommages-intérêts, l’arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu’en statuant ainsi, alors que le délit d’apologie de crime dont elle a déclaré le prévenu coupable ne pouvait occasionner pour la commune un préjudice personnel et direct né de l’infraction, la cour d’appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;
D’où il suit que la cassation est encourue de ce seul chef ; que, n’impliquant pas qu’il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l’article L411-3 du code de l’organisation judiciaire ;
Par ces motifs :
Casse et annule, en ses seules dispositions relatives à l’action civile, l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Nîmes, en date du 20 septembre 2013 ;
Dit n’y avoir lieu à renvoi ;
M. GUERIN, Président
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Philippe H. PLACIDE